jeudi 15 novembre 2012

6 mois de politique pour le Développement

Changer l'ordre des choses n'est pas un exercice facile et de nombreux électeurs, écologistes, citoyens se posent la question -fort légitime- de savoir ce que font des ministres écologistes dans un gouvernement où les "exploits" du ministre de l'intérieur Valls sont portés au pinacle alors même que les priorités non satisfaites demeurent la création d'emplois, la transition écologique, la justice sociale ... nous aurons l'occasion de dresser un premier bilan des 6 premiers mois de la nouvelle Assemblée et de l'action gouvernementale avant la fin de l'année.
Aujourd'hui, je vous convie à lire ci-dessous un compte-rendu de l'action de Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement, au service du développement et de solidarité internationale. D'autres chantiers sont ouverts et il les présentera dans les prochains mois.
N'hésitez pas à critiquer, commenter et diffuser ce compte-rendu si vous le jugez utile! 
Je propose mon propre point de vue à la suite de cette présentation de Pascal Canfin.





6 mois de changement pour le Développement

En six mois qu’est ce qui a changé au Ministère du développement ? Le nom d’abord. Pour la première fois la France a un ministre chargé à temps plein de la politique du développement.
Le ministère de la coopération, avec tout ce qu’il pouvait véhiculer, n’existe plus. Avec la disparition de la cellule Afrique autonome, maintenant intégrée à la cellule diplomatique de l’Elysée, c’est l’ensemble de l’organisation institutionnelle qui a été modifiée. Et ces nouvelles pratiques ont été confirmées à Dakar et à Kinshasa par le président de la République.

Bien sûr, l’Afrique est et restera la priorité en matière de politique d’aide au développement tout simplement parce que c’est là que se trouvent les situations de plus grande pauvreté. Mais, avec la mondialisation, la France n’y est plus qu’une actrice parmi d’autres, en coopération… ou en concurrence avec les Chinois, les Turcs, les Indiens, les Brésiliens, les Allemands,… Il n’y a plus de relations obligées et c’est une bonne nouvelle.

1-Les Assises du développement: une concertation sans équivalent depuis 15 ans.
Le 5 novembre j’ai lancé, à la demande du Premier ministre, les Assises du développement et de la solidarité internationale qui étaient un engagement du Président de la République. Cela faisait 15 ans que la France n’avait pas mis en débat sa politique de développement.
En 15 ans le monde a changé et nous devons renouveler nos analyses et rénover nos politiques. Cinq chantiers seront l’occasion de se pencher notamment sur la cohérence des politiques agricoles ou commerciales avec les enjeux de développement. Mais aussi sur les meilleures façons d’articuler politiques nationales et coopérations décentralisées. Ou encore sur le renforcement de la nécessaire transparence de notre aide ou notre capacité à en évaluer l’impact. Ces Assises réuniront pendant quatre mois l’Etat, les parlementaires, les élus locaux, les ONG, les entreprises, les fondations, les organismes de recherche, les partenaires du sud… avec l’objectif de rénover ensemble notre politique de développement. Elles seront conclues par le président de la République début mars 2013. Pour que la concertation soit la plus large possible, chacun est invité à participer aux Assises sur le site diplomatie.gouv.fr.

2-Un effort de solidarité maintenu malgré la crise
Le projet de budget 2013 préserve l’effort budgétaire consacré à l’aide publique au développement. La mission budgétaire, c'est-à-dire le principal budget dédié au financement de l’aide au développement, est stabilisée sur la période 2013-2015 par rapport à la dépense réalisée en 2012. La baisse faciale du budget tel que défendu devant le Parlement correspond à un moindre besoin de financement du Fonds européen de Développement dont le rythme de mise en oeuvre est plus lent que prévu. De plus, et malgré le contexte budgétaire difficile, le gouvernement a décidé d’affecter au développement, de manière extra-budgétaire, 10% du produit de la taxe française sur les transactions financières avec pour priorité la lutte contre le changement climatique et la santé, notamment en Afrique. Ces fonds, qui représentent 480 millions d’euros sur 3 ans, viennent s’ajouter au budget de l’aide publique au développement. C’est un signal très fort du maintien de l’ambition française en matière de solidarité internationale, même si, je le sais bien, les besoins non satisfaits restent immenses.
Nous avons également décidé, conformément à un engagement de François Hollande, de doubler progressivement la part de l’aide qui passe par les ONG, et ce dès le projet de loi de finances 2013.
Quant au fait de consacrer 0,7 % du PIB à l’aide publique au développement, cela reste bien évidemment un objectif structurant. Il s’agit pour nous maintenant de définir une perspective budgétaire crédible pour y parvenir, ce que les précédents gouvernements ne sont pas parvenus à faire.

3-Soutenir la transition écologique au Sud
Nous avons commencé à réorienter le contenu des politiques de développement pour qu’elle soutienne la transition écologique au Sud. Les 6 milliards d’euros d’investissements que l’Agence française de développement (AFD) consacrera au secteur de l’énergie dans les trois prochaines années auront désormais deux priorités hiérarchisées comme telles : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Si l’AFD n’était pas inactive en la matière, les priorités sont maintenant clairement définies. La prochaine étape est d’accompagner les Etats du Sud dans le développement des énergies renouvelables. Ils pourront ainsi adopter un chemin leur permettant d’accroître leur accès à l’électricité tout en ne tombant pas dans une dépendance trop grande aux énergies fossiles. A titre d’exemple, ce travail est déjà engagé en Haïti ou encore au Sénégal. Enfin, j’ai réouvert le dossier du financement par la France de l’initiative équatorienne Yasuni. Un dossier est maintenant en cours d’instruction et la réponse sera donnée au premier trimestre 2013.

4-Contre l’accaparement des terres, pour une agriculture durable
Avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, j’ai participé au sommet annuel du Conseil de sécurité alimentaire de la FAO à Rome. En mai 2012, les Etats se sont mis d’accord pour définir des « principes volontaires » pour lutter notamment contre l’accaparement des terres. C’est une première étape. 
Mais comme leur nom l’indique ces principes ne sont que volontaires. Nous allons maintenant accompagner les pays qui le souhaitent pour introduire ces mesures dans leurs législations nationales. Par ailleurs, je veillerai à ce que les opérateurs publics ou sous contrôle public, comme l’AFD ou Proparco, la filiale de l’AFD en charge des financements privés, ne soient en aucun cas utilisé pour financer des investissements agricoles qui ne respecteraient pas ces principes. Enfin, au plus tard début 2013, l’AFD adoptera son nouveau cadre d’intervention en matière agricole pour les trois prochaines années. Mon objectif sera de contribuer à promouvoir les formes d’agricultures durables, familiales…les seules à même, j’en suis convaincu, d’assurer la sécurité alimentaire de ces pays.

5-La transparence des investissements des grandes entreprises européennes : la France prend le leadership
Les flux financiers qui sortent des pays du Sud en passant notamment par les paradis fiscaux,et qui empêchent les Etats de collecter des impôts, représentent des montants 10 fois supérieurs à celui de l’Aide publique au développement. Je suis donc de très près la négociation européenne actuellement en cours pour rendre obligatoire le reporting pays par pays et projet par projet. Les échanges que j’ai eus avec mes homologues européens m’ont permis de constater que la France avait, maintenant, la position la plus ambitieuse des Etats, au côté des Etats scandinaves. Et comme le montre les négociations en cours la France a réussi à faire bouger les lignes dans des pays plus réticents, en s’appuyant sur les avancées obtenues au Parlement européen.
D’autre part, la France est le premier pays à soutenir officiellement le nouveau fonds de la Banque Mondiale qui va permettre aux Etats africains qui le souhaitent de faire financer des journées d’avocats et de fiscalistes pour mieux négocier les contrats face aux grandes entreprises. Un tiers de ce fonds sera financé par la France avec un effet levier potentiellement très important puisque cette initiative devrait permettre aux Etats de toucher davantage de royalties et de lever davantage d’impôts pour mener à bien leurs propres politiques publiques.

6-Renégocier les Accords de partenariats économiques (APE)
Le président de la République l’a annoncé lors de son déplacement à Dakar : la France estmaintenant favorable à une renégociation du contenu des APE, ces accords commerciaux qui incitent les Etats africains à ouvrir leurs marchés. C’est pourquoi, contrairement au précédent gouvernement, nous soutenons le report à 2015, voire 2016, de la date à laquelle les Etats africains doivent conclure ces accords avec l’Union européenne. Reste maintenant à faire évoluer la position des autres Etats membres. La négociation avec le Parlement européen esten cours et aboutira dans les prochains mois.

7-Des règles plus strictes contre la corruption et les paradis fiscaux.
Pour la première fois l’AFD vient de formaliser dans un document unique l’ensemble de ses procédures relatives à la lutte contre la corruption et le traitement des paradis fiscaux. En matière de lutte contre la corruption, l’AFD utilisera dorénavant les listes dressées par la Banque mondiale pour exclure de ses marchés les entreprises impliquées dans des cas de corruption. L’Agence renforcera également ses processus de contrôle en liaison avec la
société civile. Enfin concernant les paradis fiscaux, l’agence s’interdit de travailler avec des entités localisées dans des juridictions non coopératives.
Vers de nouvelles clauses sociales et environnementales dans les appels d’offres de l’AFD.
L’AFD finance chaque année 5 milliards d’euros dans des projets de développement dont la majeure partie sous la forme d’appels d’offres. Nous avons fait insérer dans le plan d’orientation stratégique, adopté en octobre dernier, le principe selon lequel l'Agence devra intégrer des clauses de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans la passation de ses marchés. Elle accompagnera également les entreprises locales dans leurs propres efforts de RSE afin que cette exigence accrue ne se fasse pas au détriment du tissu économique local.
Enfin, nous avons adopté le principe selon lequel chaque projet soumis au financement de l’AFD fera dorénavant l’objet d’une analyse «extra-financière». Dans quelques mois, un « second avis développement durable » viendra donc compléter l’avis financier.

8-La fin des mélanges entre gestion des flux migratoires et développement
Nous avons mis fin à la liaison entre la politique de développement et la politique migratoire.
Le précédent gouvernement avait déplacé une partie du budget alloué au développement du Quai d’Orsay vers le ministère de l’Intérieur pour pouvoir négocier le financement de projets comme contrepartie à une politique de contrôle des flux migratoires « à la source ». Ce lien a été supprimé puisque la totalité du budget concerné revient sous ma responsabilité dès 2013.

Pascal Canfin, Ministre délégué chargé du Développement



Mon point de vue:
Pour l'aide publique développement aussi, le changement se fait attendre.

Pas plus avec François Hollande que sous Nicolas Sarkozy, l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'aide publique au développement (APD) n'est jusqu'à présent atteint. En 2013, la France y consacrera, avec 9,826 milliards d'euros, 0,46 % de son RNB, soit un pourcentage redescendu en dessous de celui de 2009 (0,47 %).

Pour la gauche et les écologistes, la politique d'aide au développement permet de nouer d'autres relations entre le Nord et le Sud, et notamment avec l'Afrique subsaharienne: elle a  donc toujours été jugée prioritaire. Les chiffres secs ne traduisent pas cette priorité. Surtout quand ces chiffres ne disent pas toute la vérité : l'actuel gouvernement recourt aux mêmes artifices de dissimulation que ses prédécesseurs, au point que le rapporteur en vient à s'interroger sur la "sincérité des chiffres".
Les députés socialistes, communistes, écologistes et radicaux ont voté les crédits de l'APD – examinés lundi 12 novembre à l'Assemblée nationale –, malgré les critiques qu'ils avaient formulées en commission. Jean-Paul Bacquet (Socialistes, républicains et citoyens, Puy-de-Dôme) a cependant estimé que "le pourcentage annoncé de 0,46 % est faux". "Si nous retirons un certain nombre d'éléments qui ne sont pas pris en compte par tous les pays, ce pourcentage tombe à 0,37 %", a-t-il précisé. François Asensi (Gauche démocrate et républicaine, Seine-Saint-Denis), Noël Mamère (écologiste, Gironde) sont allés dans le même sens.
La potion est donc amère. Outre le ralentissement des crédits de l'APD, c'est aussi le retard dans le respect des engagements de François Hollande sur le reversement d'une part de la taxe sur les transactions financières (TTF) qui suscite de forts remous à gauche et dans les organisations non gouvernementales (ONG), comme je l'avais déjà signalé dans un post précédent, le 14 septembre 2012 ("Que penser de la TTF?"). Devant l'Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre, le président de la République avait lancé un appel en faveur des financements innovants, à travers, notamment, l'instauration de la taxe sur les transactions financières. "La France s'est dotée de cette taxe, s'était félicité M. Hollande. Elle a même pris un autre engagement : celui de reverser une partie des produits de cette taxe, au moins 10 %, pour le développement."
Répondant à cet engagement du chef de l'Etat, l'article 27 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit effectivement l'affectation d'"une fraction de 10 % du produit de la taxe" au Fonds de solidarité pour le développement. Las, en réalité, si l'on regarde le tableau sur l'emploi des ressources allouées par la TTF publié dans le projet de loi de finances, au chapitre des évaluations préalables, il apparaît que cette affectation en faveur du développement ne sera que progressive et qu'elle n'atteindra la part de 10 % qu'à l'échéance de trois ans. D'où la colère des ONG, qui ont le sentiment d'avoir été grugées, et la gêne d'élus écologistes et de gauche d'avoir été floués.
Pour M. Gaymard, "les arguments selon lesquels la contrainte budgétaire empêcherait dans l'immédiat d'aller au-delà de ce premier pas ne résistent pas à l'examen, s'agissant de recettes additionnelles". Au nom du groupe écologiste, M. Mamère a souligné que cette part "ne correspondait pas aux engagements pris par le président de la République"
La lutte continue pour que la politique de développement passe des beaux discours moraux à un réel levier de transformation des relations Nord-Sud. Pour cela, il est urgent de s'attaquer aux paradis fiscaux et judiciaires et aux multinationales qui perpétuent la Françafrique, notamment:
1-Aux paradis fiscaux, parce qu'ils autorisent la corruption à grande échelle, le blanchiment de l'argent sale et l'évasion massive de fonds, les trafics d'influence et les valises pleines de billets, perpétuant ainsi le développement inégal. Comment faire? Par exemple, en adoptant en France et en Europe l'équivalent de la loi FATCA, votée aux Etats-Unis en 2010, qui oblige toutes les institutions financières qui ouvrent un compte à une entreprise ou  à un  particulier à le déclarer au fisc. Il s'agit donc de lutter réellement pour la levée du secret bancaire et de permettre à la justice de travailler librement.
2-Aux multinationales françaises et européennes qui ne respectent pas le droit social et environnemental français/européen, en réformant les appels d'offres, en multipliant les contrôles, en garantissant l'accès à la justice aux victimes des multinationales, en renforçant le droit dans la lutte contre les  délits financiers, environnementaux, économiques et sociaux commis par les chefs d'Etat et les "élites internationales".
A cet effet, tous les accords de coopération et d'assistance militaire devraient être revus sous contrôle parlementaire associant les associations citoyennes et ONG. L'Agence Française de Développement devra aussi être réorganisée en profondeur.
Bonne chance et bon courage à Pascal Canfin qui peut compter sur le soutien vigilant de nombreux citoyens soucieux, comme lui, de construire un monde de paix.

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