mardi 19 mars 2013

Réforme de la représentation des Français établis hors de France

Je publie ci-dessous l'intervention du 18 mars 2013, au nom du groupe écologiste, de Kalliopi ANGO ELA, Sénatrice des Français établis hors de France, membre de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'examen conjoint des projets de lois relatifs à la représentation des Français établis hors de France.
Les écologistes veulent plus de démocratie, plus de compétences et plus de proximité dans la réforme de la représentation des Français établis hors de France (voir mon billet du 22 février), c'est le sens de l'intervention de Kalliopi ANGO ELA.












De gauche à droite, Catherine Liebault (Pays-Bas), Arthur Vincent (France), Benoît Faucheux (France), Jannick Magne (Japon), Kalliopi Ango Ela (sénatrice), Perrine Ledan (Bruxelles), Lucien Bruneau (Ghana), Pierre Jestin (Italie), une partie des reponsables écologistes réunis à Paris pour une meilleure représentation des Français de l'étranger.


Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le rapporteur,
Mes cherEs collègues,


La représentation des 2,5 millions de Français établis hors de France est un sujet important, bien que malheureusement peu connu des « Français de France », à l’exception bien sûr des parlementaires, ici présents, qui ont su mettre leurs compétences au service de cette réforme. Je les en remercie, et regrette, d’ailleurs, que nous ne soyons pas plus nombreux dans cet hémicycle.

En tant que conseillère élue à l’Assemblée des Français de l’étranger - en 2009-, puis sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France - depuis votre nomination au Gouvernement, Madame la Ministre -, j’ai évidemment été extrêmement attentive aux réflexions qui ont conduit à la réforme qui nous réunit aujourd’hui.
Je remercie aussi mon groupe de m’avoir désignée comme cheffe de file sur les deux projets de loi dont nous allons discuter lors de cette séance.

Nul ne peut contester la nécessité, d’enfin, réformer en profondeur la représentation des Français résidant à l’étranger. Il était plus que nécessaire que le Gouvernement y procède, et ce, pour plusieurs raisons, a fortiori depuis l’élection de nos députés en juin 2012.

Plus de démocratie
Tout d’abord, comme cela a pu être souligné, l’étroitesse du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, constituait une anomalie à laquelle le présent projet de loi remédie, en élargissant notre collège électoral, à juste titre, de 155 conseillers élus à l’AFE à 444 conseillers consulaires, augmentés des délégués consulaires.
Au sujet de ces derniers, l’actuelle AFE a fait savoir lors de son avis rendu pendant sa 18ème session (qui s’est tenue du 4 au 8 mars dernier) que la terminologie de « délégués électoraux » lui semblait plus opportune, afin d’éviter toute ambigüité sur leur rôle. Si je comprends les raisons qui ont conduit le Gouvernement, ainsi que le rapporteur, à conserver l’expression de « délégués consulaires », plus adaptée par analogie au droit commun, il me semble, cependant, que le dispositif du projet de loi reste peu clair à ce sujet.
















Jean-Yves Leconte, sénateur des Français établis hors de France, était à Milan en octobre 2012 pour rencontrer la communauté française et le groupe Français du Monde- Adfe. L'occasion de faire le point sur la réforme dont il est le rapporteur au Sénat et l'action culturelle extérieure.

Plus de démocratie participative
J’ai ainsi souhaité, avec les membres du groupe écologiste, déposer un amendement de clarification, dont nous débattrons tout à l’heure, et dont l’objet est de faire écho aux souhaits de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), en précisant que les délégués consulaires sont « destinés à renforcer le corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France ». 
J’espère évidemment que le Sénat saura l’adopter. Aussi, je me permets de rappeler, dans cet hémicycle, que l’AFE a indiqué dans son avis précité : « L’Assemblée fait confiance aux parlementaires des Français de l’étranger pour défendre par voix d’amendements la position de l’AFE ». 
Je souhaite que nous gardions toutes et tous cela à l’esprit durant l’ensemble de nos débats d’aujourd’hui et de demain.
Ensuite, je ne peux que saluer le fait que cette réforme s’inscrive dans la volonté du Gouvernement de favoriser le développement de la démocratie de proximité, par la création au niveau local de conseils consulaires, composés de conseillers qui, comme le souligne le rapport de notre collègue « ne sont pas sans rappeler les élus locaux pour les Français établis en France ».
Afin de renforcer cette démocratie de proximité, mais aussi de développer une réelle démocratie participative et l’implication de la communauté française établie à l’étranger, je vous propose, chers collègues, qu’un droit de pétition permette à nos concitoyens de demander la mise à l’ordre du jour des conseils consulaires de toute question ou affaire relevant de leurs compétences. Ce sera également l’objet d’un de mes amendements.
Cependant, le mode de scrutin indirect des conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger par leurs pairs conseillers consulaires, consistait en une réelle régression, dans la version initiale du projet de loi, les conseillers AFE étant actuellement élus au suffrage universel direct.
Ceci a également été regretté à l’unanimité, tant par l’AFE - dans les deux derniers avis qu’elle a émis concernant cette réforme-, que par l’ensemble de mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Vous avez su, Madame la Ministre, entendre nos demandes légitimes, et vous avez fait savoir lors de l’audition publique de la commission des lois du Sénat, que le gouvernement était ouvert aux propositions sénatoriales tendant à rétablir un suffrage direct. Ce fut le travail de Monsieur le rapporteur et de la commission, qu’il convient ici de saluer.
Malheureusement, cette avancée démocratique se voit freinée par le choix d’une liste unique comportant à la fois les candidats à l’AFE et l’ensemble des conseillers consulaires.
Les écologistes regrettent que le vote ne soit pas prévu avec deux bulletins distincts, évitant un vote bloqué et garantissant davantage liberté de candidature et liberté de vote.
Au-delà, cette option permettrait également d’assurer une réelle représentativité des petits partis et des associations, et surtout éviterait tout risque en cas de recours en annulation.
Je m’interroge, en effet, sur la constitutionalité d’un vote à un seul bulletin, et sur les conséquences budgétaires qu’entrainerait l’invalidation d’une liste de conseillers consulaires. Il serait effectivement peu concevable que des économies faites sur les frais de déplacement des conseillers AFE en diminuant leur nombre de moitié, et sur les indemnités de nos élus, ne soient gaspillées dans l’organisation de nouvelles élections pour tous les conseillers consulaires d’une même circonscription AFE, dont les conseillers élus à cette même l’AFE.
Il me semble donc préférable que:
- d’une part,  les conseillers consulaires soient élus sur des listes déposées dans chaque circonscription consulaire, et que,
- d’autre part, les conseillers AFE soient élus sur une liste distincte au niveau des circonscriptions plus larges définies à l’annexe 2 du PJL.
Selon ces modalités, l’élection des conseillers consulaires répond parfaitement à l’objectif de proximité suivi par le projet de loi : les citoyens établis à l’étranger votant pour de réels élus locaux, et non pour des candidats résidant à des centaines de kilomètres de leur conseil consulaire, voire dans un autre Etat. Ce système s’articule parfaitement avec le fait qu’un conseiller AFE doive simultanément être élu conseiller consulaire, comme nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements que j’ai souhaité déposer en ce sens avec mes collègues du groupe écologiste.
Autre élément cher aux écologistes que la lutte contre le cumul des mandats, destinée au renouvellement effectif de notre représentation politique, permettant une véritable rotation des responsabilités. Ainsi, je défendrai encore deux séries d’amendements destinés à ouvrir le débat, l’une portant sur le non cumul dans le temps des mandats des conseillers consulaires, l’autre, sur l’incompatibilité des mandats parlementaires et de conseiller.
La logique de ces amendements est donc de contribuer à faire place au renouvellement des conseillers consulaires, aux femmes, aux jeunes, et à la diversité dans son ensemble.
Un renouvellement de nos élus à l’étranger évite tout risque de clientélisme, et permet une représentation à l’image de la nouvelle sociologie des Français établis hors de France.
Je salue, d’ailleurs, la volonté affichée par cette réforme d’opter pour une parité femme/homme, en prévoyant pour les circonscriptions électorales où plus d’un siège de conseiller consulaire est à pourvoir, que chaque liste soit composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Cette règle est également prévue pour l’élection des conseillers à l’AFE. Je m’interroge néanmoins sur la parité effective qui pourra résulter de ces élections, si rien de similaire n’est mis en place concernant, cette fois, les têtes de listes ou les candidats uniques présentés par un même parti ou une même association dans l’ensemble des circonscriptions.

Plus de compétences
Je souhaite, en outre, aborder avec vous, Madame la Ministre, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’importante question des compétences de nos conseillers consulaires et nos conseillers élus à l’AFE. Vous n’êtes évidemment pas sans savoir que ce point était central dans les deux derniers avis rendus par l’actuelle Assemblée des Français de l’étranger en septembre 2012 et mars dernier. Ces avis issus de la commission des lois de l’AFE, et votés à l’unanimité en assemblée plénière, sollicitaient à la fois un renforcement des compétences des élus, mais aussi l’élargissement des domaines du rapport annuel présenté à l’AFE par le Gouvernement. Sur ce dernier point, les actuels conseillers ont demandé que le rapport du Gouvernement fasse également état « des conventions internationales » en lien avec les problématiques concernant les Français établis hors de France.

Le domaine fiscal et social 
Je m’étonne donc que, sur proposition de notre rapporteur, seuls les accords internationaux dans le domaine fiscal et social aient été ajoutés à l’article 20 du texte issu de la commission des lois du Sénat. De la même façon, les contours de la notion de « régime fiscal applicable aux Français établis hors de France », me semble trop flous pour que cette notion apparaisse dans la loi, au titre des domaines abordés par ce rapport du Gouvernement. Il me semble que mettre ainsi l’accent sur la fiscalité et l’imposition, renforce les poncifs et clichés à l’égard de nos compatriotes outre-frontière. En outre, l’AFE n’a pas formulé une telle demande ciblée durant ses travaux. Les Français de l’étranger, bien loin de s’intéresser uniquement à leur fiscalité, souhaitent avant tout conserver un lien avec le territoire Français et être informés des questions qui les concernent.
















A l'Assemblée Générale de Français du Monde-Adfe en août 2012 à Paris avec Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger

La politique culturelle extérieure de la France, les Instituts français
Ils sont donc fort attentifs à tout ce qui est relatif aux politiques menées par la France hors de ses frontières et en particulier à son rayonnement culturel. Dès lors, j’ai souhaité que cet élément figure également dans le rapport présenté par le Gouvernement à l’AFE. Cette dernière pourra ainsi être tenue informée de la politique culturelle extérieure de la France.
Autre revendication légitime, que la présidence de l’Assemblée par un élu et non plus par le Ministre des Affaires étrangères. Je suis, évidemment, ravie que vous ayez, Madame la Ministre, opté pour ce choix dans la réforme que vous avez initiée, témoignant ainsi de l’attention que vous avez bien voulu porter à cette demande de l’AFE.  
Cependant, je m’interroge à nouveau sur l’ajout introduit par la commission à l’initiative de son rapporteur du nouvel article 20C précisant désormais que 
«L’Assemblée se réunit à l’initiative conjointe du ministre des affaires étrangères et de son président. » Il me semblait plus opportun que soit ultérieurement abrogé le décret du 6 avril 1984, qui dispose que l'AFE est convoquée « chaque fois que le ministre le juge nécessaire et au moins deux fois par an », puisqu’il est d’usage que les assemblées soient convoquées par les soins de leur président, comme cela a été précisé par le rapporteur. Pourriez-vous, ainsi Monsieur le rapporteur, Cher Jean-Yves Leconte, m’éclairer sur les raisons, autres que budgétaires, qui ont présidé à ce choix ?

Le rôle des associations
Je souhaite également, et surtout, aborder avec vous l’importance du rôle des associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France, dont sont, jusqu’à présent, issus l’écrasante majorité des conseillers à l’AFE.
Je tenais à féliciter la commission des lois du Sénat pour avoir ajouté à l’article 29 duodecies la possibilité pour ces associations de ne pas être exclues du financement des campagnes électorales.Je suis, à titre personnel, très attachée à la place de ces deux grandes associations qui constituent  un réel vivier de  l’engagement citoyen et politique des Français à l’étranger. 
Si je défends, avec les écologistes, davantage de transparence dans le financement des campagnes électorales, je ne peux concevoir que cela se fasse aux détriment de ces associations qui structurent depuis des années la représentation des Français établis à l’étranger et créent le lien nécessaire au sein des communautés françaises. 
Je m’opposerai donc à l’amendement déposé par notre collègue, Monsieur le sénateur Gorce, qui revient sur une avancée opérée par la commission des lois du Sénat. Il me semble, d’ailleurs, que l’ensemble de mes collègues sénatrices et sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes orientations politiques confondues, en feront de même.

La diversité des situations
Enfin, il me semble important de souligner que le « hors de France » ne constitue évidemment pas un bloc homogène et que nos compatriotes selon les zones géographiques où ils sont établis, ne sont pas soumis aux mêmes difficultés.
 Si la réforme doit  tenir compte du nombre de Français inscrits sur les listes électorales consulaires dans le découpage des circonscriptions, cela entraine de facto une représentation accrue, et, un grand nombre d’élus dans des pays où les Français en ressentent peut-être moins l’utilité. Plus ils sont éloignés de notre territoire, plus les Français ont besoin de renforcer le lien avec la France. Or, c’est un peu le paradoxe de l’application à cette réforme des exigences du Conseil constitutionnel prévues pour les élections organisées sur le territoire national.

La fracture numérique
Autre réalité à prendre en compte, celle de certains de nos compatriotes, - en particulier dans les pays du sud-, qui subissent la fracture numérique. C’est également un des éléments dont nous devons avoir conscience.
Si, en tant qu’écologiste, je me réjouis de l’impact positif sur l’environnement qu’entraine la dématérialisation des circulaires électorales, je ne souhaite pas pour autant que certains Français puissent se trouver dans une situation de rupture d’égalité. 
Ayant résidé plus de 25 ans au Cameroun, j’en mesure aisément l’impact.
Au-delà, sur 1,6 millions de personnes au registre mondial des Français établis hors de France, seuls 600 000 ont communiqué à l’administration une adresse électronique.
Ces différences significatives existent donc bien selon les zones de résidence des Français à l’étranger. D’ailleurs, comme le soulignait le rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, les Français établis hors de France sont soumis à deux entités, et deux réalités distinctes: celle de l’Europe et celle du reste du Monde.




AVANT D'IMPRIMER, PENSEZ A L'ENVIRONNEMENT.
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