lundi 25 juin 2012


Pour Europe Ecologie les Verts, "la loyauté n'est pas l'obéissance"

LE MONDE |  • Mis à jour le 

Pascal Durand, porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) après avoir été celui de Nicolas Hulot lors de la primaire écologiste, doit devenir secrétaire national d'EELV en remplacement de Cécile Duflot, au terme de la réunion du conseil fédéral de ce parti, samedi 23 et dimanche 24 juin, à Paris.

Vous êtes le seul candidat. N'est-ce pas curieux ?
Non. C'est vrai que la logique "historique" des partis politiques, et les écologistes n'y échappent pas, c'est le fonctionnement en écuries, avec la tentation permanente d'en découdre et de se compter. Rien n'empêchait les proches de Daniel Cohn-Bendit, ni qui que ce soit d'ailleurs, de présenter une candidature. Ils ont eu jusqu'à mercredi pour le faire et ne l'ont pas souhaité. J'y vois l'expression d'un besoin de rassemblement et d'une maturité pour l'écologie politique. Cette confiance du mouvement m'oblige, je dois être le garant d'un fonctionnement démocratique et d'un débat respectueux de la diversité des opinions et des parcours.
Vous avez bien observé, aux premières loges, la séquence électorale qui vient de s'achever. Comment expliquez-vous la désaffection des électeurs pour la campagne d'Eva Joly ?
Cette désaffection, je la vois, je ne la nie pas. Mais je pense que le résultat n'est pas le seul problème. René Dumont a fait une campagne qui s'est soldée par un score ridicule, 1,54 %, mais il a marqué les consciences et l'histoire de l'écologie. Ce qui m'a frappé, moi, c'est que le projet que nous portions n'a pas intéressé. C'est un paradoxe sur lequel il va falloir nous pencher, et rapidement, sous peine d'être marginalisés. Nous avons convaincu l'opinion d'une certaine urgence écologique, et pourtant nous ne parvenons pas à être entendus sur nos solutions.


N'est-ce pas aussi parce que vous auriez un peu trop ce sentiment d'avoirraison, d'être toujours dans le "camp du bien" ?
Nous sommes, c'est vrai, perçus comme sentencieux, comme une sorte d'avant-garde éclairée qui s'exprime parfois de manière arrogante. Nous paraissons assener nos certitudes. Nous étions perçus comme sympas, un peu bordéliques, mais avec des idées. Aujourd'hui, cette perception a changé et plutôt de manière assez négative. Pourtant, la réalité de l'écologie, c'est le dialogue, la tolérance. Nous devons convaincre, c'est le jeu démocratique, convaincre sans imposer ni terroriser. Sur la transition énergétique, la nécessité de consommer ou de produireautrement, il ne faut pas refuser l'échange avec les autres ; nous avons tout à y gagner, même si cela passe par des confrontations.
Vous comprenez l'expression "Khmers verts" ?
Si cette expression ne renvoyait pas à des millions de victimes, je préférerais en sourire ! Les écologistes ont toujours respecté la démocratie et, là où ils sont en responsabilité, ils pratiquent quotidiennement le compromis.
Pourquoi l'écologie est-elle devenue un mot opposé au plaisir ?
Notre responsabilité nous oblige à décrire le monde tel qu'il est, et peut-être aussi à cause d'une certaine arrogance. Vous connaissez l'expression qu'utilisaient les Grecs pour se dire au revoir ? "Sois heureux." J'aime la vie, j'aime la fête, je ferai tout pour gommer cette impression d'une écologie punitive. Notre modèle social et économique est malade, je n'invente rien. Je crois pourtant qu'on ne fera avancer aucune solution concrète en lançant chaque matin un "nous allons mourir !".
Les écologistes ont donné l'impression d'être aussi obsédés par leurs carrières et les postes ministériels que les autres. Impression injuste ?
Non. Certains se sont comportés comme des politiciens au sens négatif du terme. J'analyse ce comportement comme une crise de croissance. Nous sommes une formation encore jeune, et certains d'entre nous, c'est vrai, s'y voyaient, comme on dit.
Cécile Duflot, ministre, a semblé porter deux idées : le jean et le cannabis. Est-ce là le projet de société des écologistes ?
Ne nous arrêtons pas à l'écume des choses ! Cécile Duflot est chargée de trois dossiers d'une importance cruciale : le logement, l'égalité des territoires, et la ville, avec François Lamy. C'est la première fois qu'une écologiste est chargée de sujets pareils. Son bilan parlera pour elle.
Allez-vous devenir un autre Parti radical de gauche à côté du PS ? Etes vous en voie de "PRG-isation" ?
Oui, il y a un risque, et ce serait une faute de ne pas identifier ce risque. Il y a une seule façon d'échapper à cette "PRG-isation", comme vous dites, c'est de ne jamais oublier que l'écologie politique, ce n'est pas, ce ne sera jamais, de mettre un peu d'écologie dans la politique. Nous portons un projet alternatif global, un autre modèle de société. On ne doit pas accepter d'être en quelque sorte un supplément d'âme ou l'une des branches du grand arbre de la gauche. Nous sommes autres. Nous sommes, certes, dans une logique de partenariat, mais pour construire une majorité et se donner ainsi les moyens d'agir. Nous sommes écologistes. Moi, je ne l'oublie pas.
Cette différence de fond, et surtout la possibilité de l'exprimer, Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, vient de vous la dénier de manière on ne peut plus explicite... Etes-vous là pour voter ce qu'on vous dit de voter ?
Pour moi, cette déclaration est déplacée, et nos parlementaires l'ont fait savoir. On ne peut pas, d'un côté, nous dire - et c'est le discours de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault - qu'on va revaloriser les droits et le rôle du Parlement et, de l'autre, parler comme M. Vidalies. Une chose est sûre, nous ne serons pas les godillots d'une majorité uniforme.
Condamnez-vous les forages pétroliers en Guyane, auxquels Nicole Bricq, ex-ministre de l'Ecologie, s'est opposée ?
N'ayez aucun doute là-dessus. Et le combat, nous le mènerons. La loyauté, ce n'est pas l'obéissance, et le partenariat n'est pas la fusion.

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